J’ai souvent expliqué combien il est vain et nocif de chercher à dissimuler son bégaiement. Pour les bègues « masqués », tout est préférable au bégaiement et ils ont développé au fil des ans des artifices si élaborés que peu de gens savent qu’ils bégaient. Les anglophones parlent des « closet stutterers », les bègues du placard. Ils sont dans la crainte constante d’être « démasqués » et donc toujours en alerte, ce qui est épuisant psychologiquement et surtout ne fait que renforcer le bégaiement. Joseph Sheehan, l’inventeur du schéma de l’iceberg, écrivait ainsi : « Vous resterez « bègue » aussi longtemps que vous continuerez à prétendre ne pas l’être ». J’ai donc déjà consacré quelques articles au sujet, allant même jusqu’à appeler Sénèque à la rescousse
Oui mais voilà, mille mots ne remplaceront jamais l’efficacité d’une image judicieuse. Et cette image illustrant combien il est vain et contreproductif de dissimuler son bégaiement, PAM l’a trouvée. Qui est PAM et quelle est cette image ? Si vous avez quelques minutes, je vais tout vous expliquer...
Pamela A Mertz (initiales P.A.M.) est américaine. Elle a créé son blog “Make room for stuttering” après avoir réalisé “qu’elle avait une histoire à raconter”. Et cette histoire vaut en effet la peine d’être partagée. Je lui laisse la parole :
“Durant de longues années, j’ai été une bègue masquée, avec la hantise de bégayer en public. Les circonstances de la vie et la maturité m’ont aidée à réaliser que j’avais perdu beaucoup de temps, et que je préfère de loin mon vrai et authentique moi. Pour moi, le moment clef a été d’être licenciée d’un job que j’aimais et faisais depuis plus de 20 ans, parce que j’avais bégayé en public. A cet instant, j’ai décidé que je ne pouvais plus vivre dans la dissimulation et j’ai fait mon coming-out. On dit que les expériences difficiles vous brisent ou vous transforment. J’ai été transformée.
Je raconte mes histoires sur ce blog. Je grandis et j’évolue en tant que personne, et j’aime vraiment ce qui m’arrive. Le bégaiement a une valeur, et c’est important pour moi de partager cela. Quelqu’un a dit que le bégaiement n’a pas de valeur rédemptrice. Et bien, je suis là pour vous dire que c’est ABSOLUMENT faux.
Depuis que je me suis ouverte à mon bégaiement, mon monde s’est ouvert, profondément, largement. Je pense que c’est ma responsabilité de partager mon parcours avec d’autres dont les vies ont été touchées par le bégaiement.”
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Pam suit sa profession de foi. Elle publie régulièrement sur son blog, enregistre en podcasts les témoignages de femmes qui bégaient, et elle s’implique aussi “dans la vraie vie” en faisant notamment des interventions dans les écoles pour prévenir les moqueries et expliquer ce qu’est le bégaiement.
Je vous ai mis le lien d’une de ces interventions. Vous y trouverez deux bonnes idées pour parler du bégaiement. Tout d’abord, elle introduit son discours par cette question : “Est-ce que quelqu’un ici est parfait ? Personne ne lève la main ? Non ? Et bien, moi non plus !” Voilà une manière idéale de planter le décor et de lever tout a priori ou inhibition !
Deuxièmement, vous y trouverez la fameuse image don’t je parlais au début de mon article : PAM utilise un PAMPLEMOUSSE pour illustrer combien il est vain et même contreproductif d’essayer de dissimuler son bégaiement.
Avant de poursuivre, je vais donc vous demander d’aller chercher un pamplemousse… Allez-y, j’ai le temps…. C’est bon tout le monde à son pamplemousse ? Si vous n’en avez pas trouvé, une noix de coco, un melon ou un chou-fleur pourront aussi faire l’affaire …
A présent, voici votre défi : vous allez planquer votre pamplemousse quelque part sous vos vêtements, de manière à ce qu’il ne se voit pas. Pas facile, non ? Mais attendez, ce n'est pas fini ! Maintenant, vous allez sonner chez votre voisin(e) et lui parler avec l’objectif qu’il (elle) ne voit surtout pas votre pamplemousse ! Que va t’il se passer à votre avis ?
- vous allez vous tortiller et vous comporter bizarrement pour que votre interlocuteur ne le voit pas.
- Votre voisin(e) vous parlera mais vous l’écouterez à peine, votre esprit étant obnubilé par la crainte qu’il voit votre pamplemousse.
- Il va donc être intrigué par votre attitude. Il va finir par voir la bosse dans votre dos et se demander ce que c’est. Et il sera à mille lieux de penser que ce n’est qu’un pamplemousse…
Et oui ! Vous aurez beau essayé de le cacher, vous n’y arriverez pas. Non seulement, il se verra toujours mais les autres se demanderont en plus ce que c’est ! Alors sortez votre pamplemousse et posez-le sur la table !
- Votre voisin(e) saura ce qu’il en est,
- Vous ne gaspillerez pas votre énergie et vos neurones à trouver une cachette adéquate,
- Vous ne vivrez pas dans la peur d’être démasqué
- Vous serez un interlocuteur beaucoup plus disponible et agréable !
- Votre voisin(e) va peut-être vous poser quelques questions, s'intéresser à ce pamplemousse que vous trimbalez et vous passerez ensuite à autre chose.
Une bonne idée d’exercice pour les groupes de parole ou les orthos, vous ne trouvez pas ?
Le 4 avril dernier, Pam a reçu aux Etats-unis une récompense, le Jefferson Awards, pour son engagement et sa mission de service public. Et bien, rien que pour l’image du pamplemousse, moi je trouve que c’est amplement mérité !
Laurent
La vidéo de Pam (en anglais sous-titrée en portugais mais pas besoin d'être américain ou brésilien pour comprendre):
P.S : si l’histoire de Pam vous a plu, j’ai traduit un post très touchant qu’elle a écrit sur l’une de ses interventions. Si ça vous intéresse, je le mettrai en ligne.
7 commentaires:
WAW !! Trop bien l'expérience du pamplemousse.
Je me vois à travers tous tes articles , Laurent MERCI!
Good Jobbbb !
@Ryme : Merci pour ton commentaire, voilà qui va me faire bien commencer la semaine ! Ca me rassure de voir que je ne suis pas le seul à m'enthousiasmer pour Pam et son Pamplemousse ! J'en ai parlé à une ortho ce week-end. Elle fait des interventions dans des écoles sur le bégaiement et a trouvé que c'était une super idée. Pas d'autres fans du pamplemousse ?
J'ai trouvé la méthatophore du pamplemousse vraiment géniale !
Si je dois un jour expliquer ce que ça fait d'essayer de cacher son bégaiement, j'utiliserai sûrement l'histoire du pamplemousse !
j'adore le PAM-plemousse, mouah aha aha ;o)
Qu'est-ce qu'on ferait sans toi?
Je me demande toujours où tu trouves tout ça!?
Pour cacher qlq chose, il faut le montrer. J'explique parfois ça avec la calvitie: tu la caches avec une "moumoute" et on ne voit plus que ça! Mieux vaut carrément se raser le crâne. Le coup du pamplemousse, c'est mieux !-)
Merci pour ton super boulot!
Véronique
Merci Véro ! Tu reviens quand tu veux ! :-)
J'imprime et je diffuse à mes patients. Image simple, claire et efficace.
Merci du partage
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