Vous vous souvenez peut-être d’Anna qui avait fait « de son monstre son ami » (cf le long article que je lui avais consacré.)
Pour rappel, Anna est russe, réside aux Etats-Unis et a vécu de longues années avec un bégaiement sévère avant de commencer à sortir la tête de l’eau, notamment en travaillant sur ses émotions, ses perceptions et ses peurs. Elle a non seulement un parcours particulièrement intéressant et inspirant mais aussi cette capacité à partager ses expériences et à motiver les autres personnes qui bégaient.
Dans le cadre de son voyage au pays de l’expression, Anna a décidé de s’inscrire à un club Toastmasters pour s’exercer à la prise de parole en public. Elle a commencé à participer à des compétitions… et à en gagner ! Ainsi, il y a quelques jours, elle a remporté le « District Humorous Speech contest », où elle rencontrait les champions des autres clubs. La prestation se faisait en public et devant 5 juges, avec en plus la pression du temps, puisque tout dépassement des 7 minutes 30 imparties était éliminatoire.
Voici donc avec l’accord d’Anna, deux cadeaux pour les frenchies qui bégaient:
1) le partage de ses impressions et de ce qui l’a aidée à affronter ce challenge,
2) la vidéo de sa prestation. C’est bien sûr en anglais mais si vous ne comprenez pas, ce n’est pas grave du tout ! Ce qui est important c’est de voir la manière dont elle occupe la scène et d’entendre les rires du public.
Alors, bonne lecture et bon visionnage. Et si vous voulez laisser un petit mot à Anna dans la zone commentaires, je ferai suivre !
Le témoignage d’Anna :
C’était la première fois que je parlais devant une assistance si nombreuse et je stressais beaucoup. Je ne me disais pas : « Oh, j’ai confiance, je sais que je suis bonne. » Non. Je me sentais fatiguée puisque ça se passait le soir d’une longue journée de conférence Toastmasters. Je me suis réveillée à 6h30, j’étais à la conférence à 8h30 et la compétition était à 19h30. J’avais donc peur de bégayer parce que je me sentais fatiguée et vulnérable.
J’ai ressenti toutes sortes de peurs, comme celle de rester bloquée sur scène, incapable de dire un mot. Mais chaque fois que cette peur venait, je me répétais cette phrase que John Harrison m’a appris : "Merci pour l’info". Voilà ce que je disais à ma peur.
(Note de traduction : John Harrison est l’auteur du livre « Redéfinir le bégaiement » et il anime aussi des formations à la prise de parole en public. Quant à "Merci pour l'info", c'est ainsi que j’ai traduit « Thanks for sharing ! » : si quelqu’un a mieux, je suis preneur !)
La seule conséquence de ce stress c’est que j’ai failli dépasser le temps qui m’était imparti. Mon discours a duré 7:27 et si j’étais allée même une seconde au-delà des 7:30, j’aurais été éliminée.
Une autre personne m’a aussi aidée. L’un des conférenciers de la journée était vice-champion du monde Toastmasters. Celui qui est mon mentor dans mon club m’a dit que je devais aller le voir pour lui demander des conseils pour la compétition du soir. Il fut un temps où ce type de démarche m’aurait terrifiée. Cette fois, je l’ai fait. Et le conseil que ce champion m’a donné, c’est : « prends du plaisir, amuse-toi ! »
Je sais qu’il y a dans le milieu du bégaiement des gens qui écoutent attentivement la manière dont parlent ceux qui disent avoir fait d’énormes progrès. Ils comptent notre nombre d’hésitations et regardent où nous trébuchons. Pour moi, la fluence à 100% n’est plus un but. Ce qui compte, c’est : « Ai-je dit ce que je voulais dire ? Ai-je passé un bon moment à parler ainsi avec des gens ? Est-ce tout mon corps qui a parlé ou juste ma tête ? Ai-je établi une bonne connexion ou suis-je resté dans mon monde intérieur ? Etc. Ces questions sont bien plus importantes.
Je suis très satisfaite de cette compétition, pas seulement à cause du trophée que j’ai remporté mais aussi parce que moi, qui parle anglais avec un accent (Ndt : Anna est russe), qui ai une longue histoire de bégaiement sévère, qui n’ai jamais été particulièrement drôle, j’ai réussi à faire rire tous ces gens et à passer un super moment. C’était une expérience et une récompense incroyables. Comme dit mon mentor : si en descendant de scène, tu as des pensées telles que : "J’espère que...." ou "J’aurais dû...", alors tu as perdu, même si tu remportes le trophée. Mais si tu quittes la scène en pensant : "C’était ma meilleure prestation. Je me suis donnée à 100%" alors tu as gagné, quoi que les juges décident.
Et je suis complètement d’accord avec ça.
Fin du témoignage d'Anna.
Bah moi aussi je suis d'accord avec ça !
Et voici la vidéo de sa prestation :
Encore une belle histoire et un beau partage… Peu importe le chemin que l’on suivra, la technique qu’on utilisera : ce témoignage prouve une nouvelle fois que tout est possible pour une personne qui a vécu de longues années de bégaiement, y compris de connaître du plaisir mais aussi d’en donner aux autres, grâce à sa parole et à sa communication.
Merci pour le petit mot que vous laisserez à Anna.
Laurent
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