J’ai reçu la semaine dernière un message qui m’a vraiment ému et qui donnera une grande bouffée d’air frais à tous les parents d’enfants qui bégaient.
Il m’a été envoyé par Anne, la maman d’Aliocha, un jeune garçon de 12 ans. Anne y raconte le parcours de son fils et ses progrès depuis deux ans. J’ai trouvé ça tellement génial que je lui ai proposé de mettre en ligne son texte sur le blog. Elle a accepté et Aliocha a souhaité aussi expliquer comment il avait appris à vivre différemment avec son bégaiement.
C’est un beau cadeau parce que ce type de témoignage est rare. Mais vous verrez que cette démarche généreuse est en parfaite adéquation avec le chemin choisi par Aliocha.
Il colle aussi parfaitement avec le thème de la journée mondiale du bégaiement qui a lieu aujourd'hui : "Soyons nous-mêmes, parlons-en".
Je vous laisse avec Anne et Aliocha. Bonne lecture et.... LACHEZ LES COMM !!!!
Laurent
P. S : Je précise aux vieux comme moi (c'est à dire à ceux qui ont connu leurs premiers émois amoureux sur Hôtel California et pour qui Yannick Noah est un joueur de tennis) que "lâchez les comm", ça veut dire "laissez vos commentaires !" Alors, partagez vos réactions avec Aliocha et Anne, ça leur fera plaisir !
P.S2 : si vous avez d’autres témoignages de ce genre, n’hésitez pas à les partager !
Le message d’Aliocha
Bonjour, je m’appelle Aliocha, j’ai 12 ans et je bégaie. J’ai commencé à bégayer à l’âge de 8 ans. Je m’en souviens comme si c’était hier.
En mai 2006, j’étais invité avec des élèves de mon école à une remise de prix. Avant la cérémonie, j’avais préparé un texte de remerciement pour le jury du concours.
Quand mon professeur et moi nous sommes montés sur la scène pour la remise de récompenses, je me suis dirigé vers le micro pour lire mon texte quand tout d’un coup, je me suis senti incapable de prononcer la moindre syllabe.
Je suis retourné dans le public en regrettant de ne pas avoir pu lire mon texte. Ma mère m’a demandé ce qu’il s’était passé et je lui ai répondu que j’avais l’impression de ne plus pouvoir parler, d’être un muet.
Je vis depuis 4 ans avec le bégaiement. Au début il était vraiment très fort. En classe, de nombreux élèves se moquaient de moi. Je les affrontais avec beaucoup de peine, mais j’essayais de garder ma dignité. Parfois, c’était tellement dur pour moi que j’avais envie de mourir. Je suis allé voir des psychologues qui m’ont été d’une grande aide pour garder le moral et ne pas tomber dans le désespoir.
Un jour, je me suis dit que si je continuais à me morfondre, je ne serais jamais heureux. Selon moi, si on considère le bégaiement toujours du point de vue négatif, on ne peut pas s’en sortir.
J’ai décidé de transformer cette faiblesse en avantage. Je me suis rendu compte que le bégaiement m’aidait à mieux comprendre les autres. Je me sentais plus proche des personnes en difficulté. Mon sens de la compassion augmentait et mon estime personnelle grandissait. Peu à peu, je me suis rendu compte que le bégaiement n’était pas une honte.
L’an dernier, j’ai distribué un dépliant à mes profs pour leur expliquer comment réagir lorsque je bégayais en cours. Ils ont bien réagi pour la plupart et certains profs m’ont aidé en appliquant les conseils de ce dépliant.
A la rentrée de cette année, j’ai décidé de faire une présentation de mon bégaiement en classe et d’expliquer aux élèves ce qui m’aidait dans les moments de bégaiement. Tous les élèves ont bien compris, et depuis ils ne se sont jamais moqués de moi. Ma prof m’a félicité, et ma mère était super fière de moi.
Je bégaie toujours, mais aujourd’hui j’ai le cœur léger et je n’ai plus honte. Je suis comme je suis, si les autres ne l’acceptent pas, tant pis pour eux. Je suis fier d’être une personne qui bégaie, ça fait partie de moi.
A tous ceux qui bégaient comme moi, surtout gardez la tête haute et n’oubliez jamais : soyez fiers de qui vous êtes !
Aliocha, un enfant qui bégaie.
Le témoignage d’Anne
Bonjour Laurent,
Je suis la maman d'un jeune garçon de 12 ans qui bégaie depuis l'âge de 8 ans et j'ai découvert votre blog il y a quelques mois.
Je me souviens très bien de la révélation qu'à été pour moi un de vos posts, qui disait que l'important n'était pas de se battre contre le bégaiement, mais d'arriver à vivre avec, le mieux possible. Et c'est vrai que ça change tout !
Cela a été également une révélation pour mon fils et vous ne pouvez pas imaginer le changement que cette perspective nouvelle sur son bégaiement lui a permis d'opérer, et combien son bégaiement s'est adouci depuis.
Certes, il bégaie toujours, mais beaucoup moins qu'avant; et surtout il ne "bloque" plus : il "patine" sur le début des phrases, mais il ne cède plus à la panique.
Et surtout, surtout, il n'a plus honte de son bégaiement! Il n'est plus en colère contre lui...je pense même pouvoir dire qu'il s'en est fait un ami.
A la rentrée de septembre, il a pris la parole devant ses nouveaux camarades de classe. Il leur a expliqué ce qu'était le bégaiement, qu'il y était prédisposé depuis sa naissance, que cela n'avait rien à voir avec l'intelligence; il leur a expliqué aussi ce qui l'aidait (ou pas) en cas de crise; et a conclu en leur disant qu'il considérait le bégaiement comme une chance, car cela lui avait permis de devenir plus tolérant et plus compréhensif des difficultés des autres.
Voilà un enfant qui il y a 2 ans, subissait les moqueries de ses camarades sans oser se défendre, et qui considère aujourd'hui son bégaiement comme faisant partie de "qui il est", au même titre que la couleur de ses yeux ou de ses cheveux. Et qui n'hésite pas à prendre la parole en classe, à converser avec des inconnus, et même à se présenter à l'élection des délégués de classe.
Je tenais donc à partager avec vous sa joie ainsi que la mienne.
Anne
8 commentaires:
Superbe témoignage et très belle leçon ! Merci beaucoup à Aliocha et à sa maman. Ils sont formidables nos enfants !
Stéphanie.
Des témoignages comme ça, il faudrait en inonder le web !
Un Olivier sur un Palmier dans la pampa qui contre-attaque
Anna, la lecture de votre lettre était touchante pour certains d'entre nous qui nous motivons avec de tels témoignages. Merci.
Aliocha (mais d'où vient donc ce prénom ?), tu as pris le taureau par les cornes et nous ne pouvons que t'en féliciter. Comme tu vois, ça a porté fruit. Comme on dit au Québec, "Lâche pas, mon pot." Tu fais réellement du bon travail et l'amour que te porte ta mère ne peux que t'encourager.
Je trouve particulièrement formidable qu'un enfant de 12 ans a fait ce que nombre de personnes plus agées n'ont pas (encore) réussi à faire. Bravo et merci à toi, Laurent, de relayer ce témoignage.
j'avoue que je suis stupéfait.fais par ce témoignage très original que je perçois comme un défi qui m'est lancé.En effet j'ai 25 je suis bègue et je n'ose jamais parler de mon bégaiement avec qui que ce soit .je pense que ce jeune à travers son témoignage viens de briser un barrière en moi
Quelle maturité. Beaux témoignages, une garçon courageux et une mère attentive. Si j'avais eu cette perception du bégaiement à son age...
Phil
Quelle belle leçon de courage Aliocha! Je retrouve dans tes mots tant du ressenti de mon fils de 11 ans et demi qui begaie depuis l'âge de 4 ans. Il a suivi X séances d'orthophonie avec si peu de succés... Il souffre bcp des moqueries de certains de ses "camarades" de classe et a si peur que son begaiement ne s'arrête jamais. Je lui explique qu'il a le droit d'être heureux et tente de lui faire prendre conscience qu'il n'a aucune honte à avoir de son begaiement ou de lui-même. Je voudrais tellement qu'il soit insouciant et qu'il s'éclate comme il le devrait à son âge. Mais voilà ça lui gache la vie et moi je ne sais plus quoi lui dire pour l'aider à garder confiance. Ton message, Aliocha, m'a un peu aidé.
Mille mercis.
Merci beaucoup! Ca m'a fait un bien enorme en tant que maman et m'a apaise dans un moment tres dur.
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