Deux nouveaux chapitres aujourd’hui de la traduction en cours de « Advice to those who stutter » (« conseils pour ceux qui bégaient ») :
- « Quelques suggestions pour ceux qui veulent parler facilement » de Dean E. Williams
- « 4 étapes vers la libération » de Richard M. Boehmler.
Cela me donne l’occasion de vous parler d’une étape qui a été importante pour moi : prendre conscience que je ne subissais pas mon bégaiement mais que je le créais, en grande partie, moi-même.
Durant longtemps en effet, j’ai vu mon bégaiement comme une entité mystérieuse planquée quelque part dans mon corps et qui contrôlait ma parole. Elle pouvait surgir à tout moment (de préférence quand ça m’arrangeait le moins) et je me sentais à sa merci. Je n’aurais pas été surpris de la voir un jour sortir de mon ventre, comme dans cette scène trash du film culte « Alien » où l’immonde bestiole squatteuse sort des entrailles d’une de ses victimes pour s’enfuir sur le carrelage, au grand désespoir de la femme de ménage qui venait juste de passer deux heures à lessiver les sols à grand renfort de lessive St Marc.
Il semble que cette vision du bégaiement comme une entité autonome et maléfique est assez répandue chez les personnes qui bégaient. C’est ce que décrit Dean E. Williams dans son chapitre : « Les enfants parlaient comme s’ils devaient se battre contre leur bégaiement. C'était un adversaire avec sa propre faculté de pensée et, dans la plupart des cas, ils avaient peur qu’il soit plus fort qu’eux. Avec un tel point de vue, il est presque naturel que l’enfant sente qu’il a besoin de se contracter, de lutter et d’utiliser ses muscles pour combattre le bégaiement. J’ai observé que les adultes qui bégaient font souvent la même chose, bien qu’ils n’expliquent pas de manière si réaliste les raisons pour lesquelles ils le font. »
C’est une idée forte : quelle que soit la cause initiale de votre problème de fluence, le bégaiement est en majeure partie quelque chose que vous avez développé et que vous produisez (sauf cas médicaux bien particuliers).
Bien sûr, vous avez peut-être une prédisposition à accrocher sur les mots mais, lorsque vous clignez des yeux, crispez votre mâchoire ou raclez votre gorge, c’est vous qui créez cette tension, pas un petit troll qui a pris le contrôle de votre corps. C’est aussi vrai pour vos sentiments ou sensations : lorsque vous « sentez » que vous allez buter sur un mot, c’est vous qui fabriquez cette pensée à partir d’expériences passées ou d’interprétations de la situation présente. Et c’est super important de comprendre cela parce qu’à partir de là, vous pouvez commencer à démonter le mécanisme, à identifier vos comportements et tensions et à mettre en place des actions correctrices en vous basant notamment sur ce que vous faites lorsque vous parlez normalement.
Sur un forum, un thérapeute américain adepte des Thérapies Cognitives et Comportementales expliquait comment il s’y était pris pour amener Tyquan, un jeune garçon de 11 ans, à cette prise de conscience. Il lui a d’abord dit :
- Tyquan, tu es un garçon intelligent : non seulement, tu sais comment parler mais en plus tu sais parler de deux façons : de manière fluide et en bégayant.
Le petit garçon a hoché la tête et une lueur s’est allumée dans ses yeux.
- Qu’est-ce que cela signifie, a demandé le thérapeute.
- Que je peux parler de manière fluide, a répondu Tyquan.
- Donc, comme tu sais que tu as deux manières de parler, tu peux choisir entre les deux.
Et le petit garçon a répondu : « Oui ».
Voilà comment, juste avec quelques mots (on insistera jamais assez sur la magie et le pouvoir des mots), le petit garçon a pris conscience que :
1. Il n’était pas bête mais intelligent,
2. Il avait appris non pas une mais deux manières de parler,
3. Il pouvait choisir celle qu’il voulait utiliser,
4. Le bégaiement n’était pas quelque chose qui échappait à son contrôle.
Et c’est ce dernier point qui est important. Parce qu’il redonne l’espoir et démystifie le bégaiement. Je pense que, dans notre cheminement vers la fluidité, il y a des déclics. Celui-ci peut en être un : prendre conscience que le bégaiement n’est pas quelque chose que nous subissons et qui échappe à notre contrôle mais un ensemble de choses qui sont, en grande partie, produites par nous-mêmes et que nous pouvons donc modifier.
Attention ! Cela ne veut pas dire que c'est facile. Il faut du temps pour modifier ces réactions physiologiques et psychologiques qui sont devenues avec le temps des automatismes... Mais cela est également bien expliqué dans ces deux nouveaux chapitres. Alors bonne lecture !
Laurent
Téléchargez la version de travail de "Conseils pour ceux qui bégaient" avec les deux nouveaux chapitres
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