Quelques groupes de parole pour bègues existent en France. L'expérience montre cependant que leur durée de vie est souvent limitée par manque de renouvellement des participants.
J'ai moi-même assisté à une de ces réunions et j’ai détesté le côté "alcooliques anonymes", le jus d’orange tiède dans les verres en plastique dans une salle communale sinistre, l'impression de ne rien avoir à faire là... Chacun a présenté son parcours, ses craintes, nous nous sommes aperçus que nous rencontrions les mêmes problèmes, nous nous sommes plaints de la réaction des autres… Utile pour sortir ce que l'on a sur le coeur et trouver une écoute mais après ?
J'étais reparti déçu et je m'étais dit que je participerais à ces réunions si l'objectif était de partager des expériences positives, des prises de conscience ou découvertes qui ont permis d'avancer sur la voie de la fluidité. Bref, un lieu d'échanges pas seulement de ses petits malheurs mais aussi de ses réussites, un groupe de soutien et d'encouragement de ceux qui font quelque chose pour s'en sortir.
J'avais mis cela dans un coin de ma tête jusqu'à ce que, voilà quelques jours, je recoive la réponse à ce vœu secret. Et oui, un tel groupe existe… à l’île Maurice.
J'ai en effet reçu un courriel de Jim Caroopen qui m'expliquait être membre d'un groupe de parole créé en 2005 et toujours actif. Un peu loin pour en profiter me direz-vous… Et bien justement, non ! Pour marquer les 4 années d’existence de la création de ce groupe, ils ont créé un magazine pour partager leur expérience et leur parcours. II s'agit d'un recueil de témoignages, de réflexions et d’idées de toutes les personnes qui ont participé à ce projet mais aussi de correspondants issus du monde entier, des « activistes du bégaiement » australiens, anglais, indiens, allemands, japonais, chinois, néo-zélandais… et français !
J’ai pris beaucoup de plaisir à parcourir ce magazine et j’ai été impressionné par le dynamisme et l’état d’esprit positif qui se dégageaient de ces pages.
Séduit et intrigué, j'ai demandé à Jim de m'en dire un peu plus sur le fonctionnement de son groupe, sur le déroulement des séances et sur les conseils qu'il pourrait donner. Il m'a répondu très gentiment et c'est un grand plaisir de vous livrer aujourd'hui son témoignage, en espérant que cela vous inspirera.
Je vous mets le lien vers le magazine à la fin du post.
Bonne lecture.
« Cher Laurent,
Je te remercie pour tes courriels et ton intérêt pour notre groupe de parole.
Nos activités sont intimement liées à l’histoire du groupe et à deux rencontres importantes que nous avons fait, notamment avec Mark Irwin en 2005 et avec Anne-Marie Simon en 2007.
Nous avons rencontré Mark Irwin en septembre 2005, et il a partagé avec nous sa vision et son expérience sur la sortie du bégaiement ; et il nous a transmis quelques techniques – que nous avons utilisés jusqu'à fin 2007. (Juste pour rappel, Mark Irwin était à l’époque le président de l’International Stuttering Association, et c’est lui qui nous a encouragé à lancer un groupe de parole dans l’île.)
Le maître mot de son message était d’oser aller de l’avant et de ne pas avoir peur parler du bégaiement. Nous en parlions d’abord entre nous, dans notre groupe de parole, puis graduellement avec les autres autour de nous, en commençant par les plus proches.
Cela nous permettait d’avoir plus confiance en nous, et d’amorcer une brèche dans le tabou autour du bégaiement dans notre île.
Les techniques que Mark nous a apprises étaient très simples, mais diablement utiles pour nous :
- Faire la lecture à débit lent
- Prendre conscience de notre respiration, et de son importance dans l’acte de parler
- Prendre confiance en soi graduellement, en faisant un petit effort chaque jour (ex. aller à la boutique du coin, parler à une personne que l’on ne connais pas…)
- Accepter le fait que l’on est une personne bègue, et que l’on ne pourra (peut-être) jamais s’en défaire à 100%
- Pratiquer des séances de relaxation en groupe.
Puis en mars 2008, Anne-Marie Simon est venue pour animer un Stage Thérapeutique Intensif d’une semaine. Pendant ce stage, nous avons appris quelques techniques plus élaborées, tels que :
- L’ERASM
- Le parler rythmé
- Les jeux de rôles
- Des exercices vocaux
(Pour être précis, Anne-Marie Simon est venue deux fois à l’île Maurice : en juin 2007 pour une visite de deux jours, et en 2008 pour le Stage.)
Surtout, Anne-Marie nous a fait prendre conscience de l’importance de la communication : comment entrer en communication avec l’autre, plutôt que de nous focaliser sur la manière dont nous parlons ; l’importance de la communication non-verbale (que les personnes bègues ont tendance à négliger) ; et l’importance de s’assumer en tant que personne bègue, sans que cela soit vécu comme un obstacle pour vivre pleinement, et faire ce dont noue rêvons.
Donc, après le stage thérapeutique, nous avons continué à travailler les techniques qu’elle nous a apprises, et à approfondir notre acceptation de notre état de personnes bègues.
Nos rencontres sont empreintes de convivialité, avec une pause pour partager un léger casse-croûte. Nous essayons de le vivre surtout dans une grande amitié.
Nos réunions ne se tiennent pas pendant toute l’année. Par exemple, en 2005 nous avons eu un dizaine de réunions hebdomadaires ; et en 2006 et 2007 une quinzaine de réunions hebdomadaires.
A partir de 2008, nous tenons des réunions mensuelles. Pour 2009, nous avons tenu des réunions de janvier à septembre uniquement.
Qui anime les réunions ? D’une manière générale, c’est une animation collégiale, avec quelques membres qui prennent un peu plus de responsabilités que d’autres.
Un conseil que je donnerais aux membres des groupes de parole ? Ce serait de les encourager à travailler en étroite collaboration avec les orthophonistes. Certes, il faut des moments où les personnes bègues se retrouvent entre elles ; mais il est essentiel d’avoir de temps en temps un(e) orthophoniste pour faire un suivi thérapeutique, une évaluation, et peut-être donner des indications personnalisées à chacun.
Les pièges à éviter : bien se connaitre avant de se lancer dans des projets a long terme, comme la création d’une association. Début 2007 nous avions établi une collaboration de ce type avec un groupe de parents – mais sans vraiment prendre le temps de connaître les motivations de chacun. Résultat : après une période de grâce au début, ce fut l’éclatement, et notre groupe de parole a même failli disparaître ! Mais heureusement, nous avons pu remonter la pente grâce à la solidarité et la cohésion au sein du groupe.
Jim Caroopen ».
Voilà pour le témoignage de Jim. Comme promis, je vous mets le lien vers le magazine « Fluency Island ». Je vous recommande particulièrement l‘article de Deborah Plummer et les conseils de Mark Irwin, qui raconte comment il a surmonté son bégaiement.
Je suis également tombé en arrêt sur cette jolie définition de la « guérison », donnée par George Dabb : « Arrêter de bégayer, c’est penser en idées et non plus en mots. »
Je n'en dis pas plus et je vous laisse le plaisir de découvrir par vous-même vos propres pépites…
Ah ! Si, quand même : si vous souhaitez interroger Jim, laissez un commentaire, ça nous fera plaisir à tous les deux !
2 commentaires:
merci à toi et Jim pour le magazine ! Je vais lire ça de suite (heureusement que j'ai amélioré mon anglais dernièrement !)
Continue comme ça Laurent, je passe souvent sur ton blog et je trouve qu'il est vraiment très très bien ! Merci.
Rassure-toi : il y a aussi des articles en français. merci pour l'encouragement.
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