22 juin 2009

Bégaiement, oraux et entretiens d'embauche

L’été arrive et avec lui…la période critique des oraux et des entretiens d’embauche.
Déjà stressante pour un non-bègue, l’épreuve de l’oral devient une véritable angoisse pour une personne qui bégaie.
Je me souviens ainsi d’un oral d’anglais que j’avais passé pour un concours d’entrée en école de commerce. Alors que j’étais plutôt bon dans cette matière, je m’étais retrouvé presque incapable de sortir une phrase à l’examinatrice. Elle a pris mes nombreux silences ou répétitions pour des hésitations et un manque de vocabulaire. Bien sûr, j’ai eu une note horrible. Il se trouve que le mari de l’examinatrice était mon prof d’anglais. Lorsque je lui ai parlé de ma note, je lui ai dit : « je n’ai pas compris !», ce à quoi il a répondu « Elle, non plus ! »
J’avais pourtant vécu la situation exactement inverse pour mon bac de français et j’aurais dû m’en souvenir… Ma mère avait signalé mon bégaiement à l’académie et j’avais eu ainsi droit à trente minutes en plus pour l’épreuve orale. Ce qui m'a le plus aidé dans cette dispense, c'est que l'examinateur savait que j'étais bègue. Ca m'a même tellement libéré qu'il m'a demandé à la fin pourquoi j'avais demandé cette dérogation ! C’est d’ailleurs toujours ce qui arrive lorsque je fais ce choix de transparence. Après quelques minutes d’échange, mes interlocuteurs me disent « mais enfin, vous n’êtes pas bègue ! ». Mais si, mais si…
Un conseil donc pour tous ceux qui doivent passer des oraux : annoncez-le d’emblée. Ca vous libérera et ça évitera à l'examinateur de penser que vos mots sortent laborieusement parce que vous ne savez rien… Ca vous évitera aussi de concentrer votre énergie sur l’évitement du bégaiement plutôt que sur le contenu de vos réponses.
J’en profite pour relayer une très bonne initiative de l’APB : un dépliant conçu spécialement pour les examinateurs. Il explique ce qu’est le bégaiement et comment réagir face à un candidat qui bégaie. Vous pouvez le consulter ici.

Je conseille aussi fortement cette transparence pour les entretiens d’embauche. Voici deux ans, j’ai postulé pour un poste de responsable marketing dans une grande entreprise : à chaque entretien (cabinet de recrutement puis DRH puis responsable hiérarchique) j'ai dit que je bégayais. Je savais en effet qu’en situation de fort stress, le bégaiement pouvait revenir m’embêter et j’ai préféré prendre les devants. Ca n'a posé aucun problème : ils m'ont remercié pour ma franchise et ça a permis de détendre l'atmosphère. Ils ont pu voir aussi sur mon CV que ça ne m'avait pas gêné pour faire un parcours professionnel intéressant. Résultat : j'ai obtenu le poste… que j’ai finalement refusé mais ça, c’est une autre histoire.
A l'inverse, si vous réussissez à passer les entretiens en masquant votre bégaiement, la pression sera encore plus forte lors de la prise de poste ou de l’entrée dans votre nouvelle école : "mon dieu, il ne faut surtout pas qu'ils découvrent que je suis bègue, que je leur ai caché quelque chose...".

Outre cette franchise, quelques petits conseils tirés de mon expérience pour diminuer la pression :

Préparez votre entretien : n’ajoutez pas au stress de la prise de parole celui de l’improvisation. Si vous maîtrisez votre présentation, votre argumentaire, c’est un poids en moins. Ecrivez ce que vous voulez dire, quitte à choisir des mots qui vous conviennent (bon OK, ce n’est pas forcément un bon conseil à donner pour un bègue, mais on est dans une situation un peu exceptionnelle…) Souvenez vous de Churchill…(voir l’article d’Alexandre sur parole de begue)

Mettez vous en situation : on fait bien ce que l’on fait souvent. Demandez à un proche de vous faire répéter de manière cool d’abord puis en endossant le rôle de l’examinateur un peu moins sympa, histoire de monter un peu la pression. Demandez ensuite à quelqu’un d’un peu mojns proche… L’idée est de vous exposer un peu plus chaque fois. Pour les entretiens d’embauche, l’idéal est de commencer par postuler à des postes qui ne vous intéressent pas pour faire des exercices en situation réelle sans toutefois qu’il n’y ait trop d’enjeu pour vous. Lorsque l’entretien qui vous intéresse arrivera, certes vous aurez encore le trac (rassurez-vous, pas besoin d’être bègue pour l’avoir) mais vous serez préparé et vous aurez avec vous l’expérience donnée par vos exercices.

Pensez au non-verbal : l’impression que vous allez faire passe aussi par là. Regardez dans les yeux, souriez et écoutez (les bègues sont parfois très bavards et coupent facilement la parole ou écoutent peu leur interlocuteur, obnubilés qu'ils sont par leur propre discours). On a forcément plus envie de travailler avec quelqu'un de franc, souriant et bien élevé... Il faut donner à votre interlocuteur l’envie de vous revoir.

Rappelez vous aussi que 1% de la population bégaie, c’est à dire un candidat sur 100… Vous ne serez sans doute donc pas le premier bègue rencontré par l’examinateur ou le recruteur. En revanche, vous serez parmi les rares à oser en parler ouvertement et de manière transparente, ce qui sera sûrement apprécié. Ce peut-être d’ailleurs l’occasion pour mettre en avant les qualités nécessaires à votre rééducation : volonté, persévérance, rigueur…

Et rassurez-vous : être bègue n’empêche pas de faire des études, d’intégrer de entreprises ou de faire carrière. J’en ai même rencontré un qui avait créé son agence de communication !

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Je crois que les entretiens face à face avec le directeur général ou le DRH sont moins stressant que ceux avec une équipe de 2 personnes et plus. Pour moi les entretiens face à face ne me posent pas beaucoup de problèmes. J'ai déjà passé un entretien et j'étais accepté pour le poste d'ingénieur informatique. Pendant l'entretien j'avais parfois des blocages mais je me suis bien débrouillé.

Bacem

Wurstie a dit…

Bonsoir,

d'abord encore un grand merci pour ton blog, je passe régulièrement lire les différents articles et je commence à lire les lectures "conseillées".

J'ai eu mon premier vrai entretien d'embauche (celui pour lequel j'avais tellement bégayer lors de la prise de rendez vous par téléphone) et ma foi cela s'est très bien passé !! Je ne me suis pas entraîné avec d'autres personnes comme tu le préconisais, mais simplement seul dans ma chambre ! L'article m'a surtout permis de me donner confiance en moi, et de me dire que mon bégaiement n'allait pas être un obstacle.

J'ai eu des retours très positifs et devrait avoir un second entretien dans la même entreprise bientôt. Donc merci Laurent et aux autres, n'ayez pas peur de votre bégaiement et pensez plutôt à vos compétences !!

Laurent L. a dit…

@Wurstie : super nouvelles ! Ca me fait vraiment plaisir. As tu dit à ton interlocuteur que tu bégayais ? M.... pour la suite.

Wurstie a dit…

Oui je lui ai dit, au bout de cinq minutes d'entretien... en complétant la phrase par un petit : " ce qui prouve mon goût pour les challenges !". Ben oui pour un poste de commercial, va y en avoir du challenge !!

Laurent L. a dit…

@Wurstie : Excellent ! Bel exemple de la manière d'aborder de manière positive les choses et de changer le plomb en or !

Anonyme a dit…

J'ai été très heureuse de découvrir ce blog dans lequel je trouve plusieurs articles ayant trait au bégaiement. Il y a plusieurs mois que je me suis mise à chercher les différentes thérapies pour vaincre le bégaiement et grâce à votre blog j'ai la réponse à ma préoccupation. Vos articles m'édifient énormément et m'aident à affronter le public car j'avais des difficultés à parler au téléphone et à entretenir une conversation. Et là, je me prépare à un entretien d'embauche qui est important pour moi et je tiendrai compte de vos conseils. En exploitant vos sujets, j'ai à présent confiance en moi et je sais comment gérer mon bégaiement. Merci pour tous car ce blog aident certainement plusieurs personnes qui ont le même pbl que moi.
Encore une fois, merci!!!

La fleur

Laurent L. a dit…

Bonjour La fleur et merci beaucoup pour ton commentaire qui me fait, tu t'en doutes, très plaisir. C'est très important de retrouver la confiance, c'est notre meilleur carburant ! Continue à "affronter" et à vivre des expériences de parole, sans chercher la perfection (pour ne pas te mettre la pression !), c'est le meilleur moyen pour progresser !
Laurent

guigui39 a dit…

Salut !

moi meme begue (je fait des blocages), je trouve ton blog trés bien et surtout il aide bien :) merci

Pour ce qui est des "entretient", c'est exactement ce que je fait, je previent mon examinateur, je prefere, comme ca tout est est clair est il me prend pas pour quelqu'un qui a des spasmes x)

Sinon je donnerais comme conseil d'arreter de voir l'examinateur comme un bourraux, c'est un humain, alors si vous commencer a vous sentir stresser, imaginez que c'est l'ami de quelqu'un que vous connaisser tient !

Ou sinon jai autre choses, quand vous etes au telephone (entretient telephonique), pour vous "detendre", vous pouvez imaginer que la personne est en train de faire son popo x) moi ca marche, jai un petit sourire et c'est plus agreable a entendre pour l'interlocuteur ^^

Aller courage amis begue

Laurent L. a dit…

Salut Guigui39, merci pour ton commentaire et pour tes petites astuces !

Sarah a dit…

Coucou Amis bègues!

Ce sujet est très délicat mais Laurent résume bien les différentes choses à faire concernant les oraux ou les entretiens d'embauche. Par contre, pour moi, je ne me suis jamais entraînée devant une autre personne que moi-même et mon miroir (ô miroir, mon bô miroir ce que tu as dû endurer...). Il faut énoncer clairement à nos interlocuteurs que nous bégayons avant de commencer à parler de soi ou aux questions des employeurs. Au primaire, collège ou lycée, ce que je redoutais le plus était: les exposés. Une horreur! mon ventre gargouillé tellement! J'avais tellement honte de dire à mes ami(e)s que j'étais bègue qu'à un oral du bac, un travail à faire en groupe, j'avais un blocage et aucun son sortait de ma gorge, une fille de mon groupe croyait que je n'avais rien appris sur le sujet, du coup elle ne m'a plus reparlé du tout énervée par la note qu'on avait eu à cause de moi. Cet épisode est passé mais ce n'est que de la joie quand on réussit à franchir un obstacle alors croyez en vous!

Mallet a dit…

salut chér(e)s compagnons bègues.!

Etant moi même bègue et je trouve vachement enrichissement le blog de Laurent car cela me permet de découvrir que je ne suis pas le seul dans mon cas, et tous les faits relatés me parlent, croyez en mon expérience en tant que bègue.
bref, méme si j'ai été toujours persévérant durant mon cursus et ma formation pour atteindre mes objectifs malgré mon bégaiement;
je dois dire qu'en ce moment mon moral est vraiment au plus bas niveau, en effet je viens d’être jeune diplômé Ingénieur Réseaux et Systèmes et je suis à la recherche d'un contrat d'embauche.
j'arrive à décrocher des entretiens, mais arrivé en face du recruteur, je suis envahi pression immense et je n'arrive pas à sortir une seule phrase sans buter sur les mots.
par conséquent, je n'arrive à présenter de manière claire mon profil, mon parcours et mes compétences.
Mon bégaiement deviens de plus en plus un obstacle et me prive d'importantes opportunités. Cela affecte autant ma vie professionnelle que personnelle.

j'aimerai juste que vous me transmettez des contacts d’orthophonistes (pas chers lol) ou des groupes d'entre-aides qui sont basés sur Paris, je crois ça m'aiderai beaucoup le contact physique et le fait de prendre la parole publiquement.


Merci d'avance et Merci à Laurent encore une fois.

Courage les amis, on vaincra notre bégaiement un jour "Inchallah"

Laurent L. a dit…

Bonjour Mallet,

Merci pour ton message. Pour répondre à ta question, il existe un groupe de personnes qui bégaient sur Paris qui se réunissent régulièrement pour échanger. Ils pourront sûrement aussi te donner des adresses d'orthos. Tu trouveras plus d'infos sur ce lien. Il y a une réunion ce soir mais c'est peut-être un peu tard... Quoique... Si tu n'es pas loin...
http://www.selfhelp-begaiement.fr/index.php?option=com_content&view=category&layout=blog&id=32&Itemid=59

Anonyme a dit…

Bonjour
Toute ma vie j'ai beaucoup souffert du bégaiement dans une profession libérale où l'on parle beaucoup.
Dans la cinquantaine, m'ont tiré de ce grand handicap: jogging et Propanolol. D J

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