3 sept. 2009

Post-correction des blocages (cancellation) : comment Roger FEDERER peut vous aider à ne plus bégayer…

L'US Open vient de commencer et cela m'a semblé le bon moment pour vous parler des techniques de correction « post-blocages ». Si vous allez jusqu'au bout de ce post, vous allez comprendre pourquoi…

Dans le post « Que faites vous quand vous bégayez ? Comprendre vos blocages », je vous ai présenté les conseils de Malcolm Fraser pour comprendre, analyser et corriger vos blocages afin de prendre conscience de ce que vous faites lorsque vous bégayez et de trouver ce que vous devriez faire pour ne pas bloquer.

Une fois ce travail effectué, vous pouvez commencer à utiliser des techniques pour corriger vos blocages.

La première de ces techniques s'appelle l'effacement ou l'annulation (cancellation en anglais).
Selon Malcolm Fraser, c'est probablement l'une des meilleures et plus simples techniques qu'un bègue puisse apprendre pour réduire son bégaiement. Elle n'est pas compliquée mais elle vous oblige à vous confronter à votre bégaiement et donc à l'accepter.

Théorisée par Van Riper (si je ne me trompe pas…), elle a depuis été reprise et enseignée par de nombreux thérapeutes. En voici la description.

Brièvement, la correction post-blocage fonctionne de la manière suivante.

Après avoir bégayé sur un mot, vous vous arrêtez un moment pour relâcher la tension et vous donner le temps de réfléchir à ce que vous avez fait de mal, à ce qui a causé votre bégaiement et à ce que vous devez corriger pour éviter ce blocage. Après quoi, vous allez répéter le mot calmement, lentement, doucement, en étirant les sons, en articulant de manière exagérée et en corrigeant ce que vous avez fait de mal lorsque vous avez bégayé dessus.

Par exemple, si vous avez bloqué sur le "P" de Paris avec vos lèvres contractées à mort et refusant de s'ouvrir pour laisser passer l'air et le son, inversez votre action en pressant à peine vos lèvres l'une contre l'autre. En le faisant lentement, de manière presque décomposée, vous devriez arriver à relâcher la tension et à faire passer la petite bulle d'air qui entrouvrira vos lèvres : « Paaariiis ».

La pause après le blocage est très importante car elle vous permet de retrouver votre calme, de prendre le temps d'analyser ce qui s'est passé et de visualiser ce que vous devez faire.

Durant cette pause, essayez de relâcher la tension dans votre mécanisme phonatoire, en particulier dans votre gorge. Sentez votre langue reposer mollement dans votre bouche. Laissez votre mâchoire s'ouvrir et descendre légèrement, lèvres molles, comme si vous dormiez la bouche ouverte. La clef est de sentir la tension s'en aller en même temps que votre respiration reprend un rythme normal.

Prolonger et étirer le son vous aide à maintenir le flux d'air et à enchaîner plus facilement vers le son suivant.

Le ralentissement du débit doit se limiter au mot sur lequel vous avez bégayé. Vous ne devez pas parler tout le temps comme cela.

Il faut vous concentrer sur vos sensations plus que sur le son. Reproduisez mentalement ou mimez silencieusement le mouvement de vos lèvres et de votre langue. Percevez bien les contacts dans votre bouche… Remplacez la tension par la volupté, le plaisir de façonner délicatement le mot ou la syllabe.

Ne soyez pas inquiets de la réaction des autres. Cela ne vous prendra que quelques secondes, et sans aucun doute beaucoup moins de temps que si vous engagez tête la première dans un « tunnel » de bégaiement. En agissant ainsi, vous reprenez le contrôle et vous repartez sur de bonnes bases.

Si vous observez bien, c'est ce que font spontanément les non-bègues lorsqu'ils accrochent vraiment sur un mot. Pour les fans de Muriel Robin, réécoutez le sketch où elle enregistre son message d'accueil sur son répondeur. Elle bute sur le mot « coordonnées » et, pour le « sortir », elle le répète en ralentissant, en exagérant l'articulation et en étirant les sons « vos COOO - OOOOR - DOOONNEES » !

Pour moi cette technique présente plusieurs avantages :
- Elle vous permet de reprendre pied dans votre phrase, de faire une pause. En gros : « On se calme et on recommence tranquillement »
- Elle vous « reprogramme ». Les manifestations du bégaiement sont principalement des comportements appris qui sont devenus progressivement chez vous des réflexes naturels. Le problème c'est que ces réflexes ne sont pas bons. Vous forcez et mettez de la tension là où il vous faudrait au contraire relâcher. En prenant conscience de ce que vous avez fait, de ce que vous auriez dû faire et en le mettant en oeuvre, vous intégrez progressivement une nouvelle manière « correcte » de parler, qui doit ensuite devenir automatique.
- Elle vous redonne confiance : en répétant le mot correctement, vous acquérez progressivement la conviction que vous êtes capables de prononcer ce mot sans bloquer. La prononciation normale qui s'en suit chasse de la mémoire le souvenir du bégaiement sur le mot. Rappelez vous « Cancellation = effacement ».
- Elle peut contribuer à vous redonner le plaisir de parler, de former un mot. Vous n'êtes plus dans le combat mais dans le modelage.

En y réfléchissant bien, la "post-correction" est loin d'être artificielle ou surprenante. Elle est même finalement assez naturelle (cf le sketch de Muriel Robin, cité plus haut). En creusant un peu mes petites méninges, je vous ai trouvé un exemple pour vous le démontrer.

Prenons un tennisman qui vient de rater un coup (un français, donc… oui, je sais j'ai mauvais esprit). En général, il a deux réactions possibles. Premièrement, il peut se prendre la tête à deux mains, hurler de rage et fracasser sa raquette au sol. Bof…

Ou alors, il a une autre réaction légèrement plus constructive : il ramasse sa balle et reproduit le coup qu'il vient de manquer au ralenti, de manière fluide, en le décomposant, en exagérant sa préparation et sa fin de geste pour le faire correctement. Si vous avez déjà suivi un match de tennis, vous avez certainement déjà vu un joueur faire cela. Ce n'est ni plus ni moins qu'une correction post-blocage. Il se remémore quelle est la bonne technique puis l'exécute pour « effacer » son échec et reproduire ce geste correctement lorsque la situation se présentera de nouveau.

Lorsque vous maîtriserez cette technique, vous pourrez ensuite l'utiliser pendant un blocage (pull-out) ou avant un blocage (preparatory set). J'en parlerai dans un prochain post. En attendant, si cela vous semble intéressant, vous pouvez commencer à vous exercer seul (lecture à voix haute) puis avec un proche puis en passant un coup de téléphone vers un numéro vert…

Et si vous avez un moment de doute durant cet apprentissage, dites vous que vous êtes le Roger Federer du bégaiement !



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2 commentaires:

  1. Une allusion au potentiel de l'imagination, et à la projecttion positive est faite dans le document signalé par Alexandre "Fluency Islands" de l'ïle Maurice, par Deborah Plummer. Ca peut être intéressant pour ceux qui sont séduits par cette approche. (En plus, elle relie ça à une certaine biochimie du corps et de l'esprit.)
    http://paroledebegue.free.fr/blog/index.php?post/2009/10/18/Fluency-Island%2C-nouvelles-de-l-Ile-Maurice

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  2. @Olivier,
    J'ai été aussi particulièrement intéressé par l'article de Deborah Plummer sur le pouvoir de l'imagination et la façon dont nos pensées peuvent avoir un effet sur nous. J'en conseille aussi la lecture. Jim m'a demandé de relayer la publication de son magazine sur mon blog mais Alexandre a été plus rapide ! J'y consacrerai quand même bientôt un post.

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