1 nov. 2016

Le bégaiement : de l'acceptation à l'accomplissement !



Me voici de retour de Montréal où l'Association des Bègues du Canada m'avait invité à participer à leur journée annuelle !

Ce voyage était très symbolique pour moi car c’est d’abord sur des sites canadiens que j’ai trouvé les témoignages qui m'ont aidé. Témoigner à mon tour était une manière de boucler la boucle et de rendre une partie de ce qu'on m'avait offert.

Comme son nom l'indique, l’Association des Bègues du Canada  est francophone et uniquement composée de personnes qui bégaient (son équivalent anglophone est la Canadian Stuttering Association). Leur journée annuelle se tenait le 15 octobre à Montréal sur le thème ”Le bégaiement : de l’acceptation à l’accomplissement”. Joli, non ? Il y avait deux autres conférenciers : Marie-Eve Caty, orthophoniste et professeur à l’Université du Québec et Daniel Aubé, un avocat qui bégaie. 

Marie-Eve nous a initiés à la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (TAE) pour les adultes qui bégaient. Elle la présente comme la troisième génération des Thérapies Cognitives et Comportementales. La première s’appuie sur le conditionnement opérant (renforcement par récompense/punition, principe utilisé notamment dans la méthode Lidcombe). La 2ème vague est constituée des thérapies cognitives et comportementales (les émotions sont les fruits de nos pensées, il faut donc changer notre discours intérieur). La TAE ne propose pas de changer les idées mais de les accepter et de s’en distancier. En très résumé : je prends consciences de mes pensées et je prends du recul, j’accepte que je bégaie et je place mon énergie non pas dans le combat contre le bégaiement mais dans mes priorités. Je m’investis alors dans des actions qui me tiennent à coeur et où je vais m’épanouir.

Une étude a été menée en 2012 par Beilby, Yaruss et Byrnes. 20 participants ont suivi une thérapie de groupe durant 8 semaines (2 heures / semaine) animée par un binôme orthophoniste/psychologue. L’objectif était de favoriser l’acceptation et la mise en place d’actions permettant d’améliorer la qualité de vie. Les résultats ont été positifs avec une diminution de la fréquence de bégaiement, des participants plus ouverts pour passer l’action et une amélioration des compétences de pleine conscience. Il a été constaté un maintien de ces améliorations trois mois après l’intervention.

Marie-Eve a terminé par un conseil judicieux : "voyez votre cerveau comme un vendeur de pensées". J'adhère totalement ! On n'est pas obligé de croire ce baratineur ! Mieux vaut faire attention à ce que nous consommons et choisir les pensées qui sont bonnes pour notre santé.



J'ai ensuite présenté les cinq clefs de succès pour les personnes qui bégaient. Rien de magique mais des points communs à tous ceux qui ont apprivoisé leur bégaiement (cf mon "Guide de voyage pour les aventuriers du bégaiement") :

1 - Comprendre que le bégaiement n’est pas une faute et n’est pas ma faute.
2 - Assumer et expliquer : les autres vivront mon bégaiement comme je le vivrai.
3 - Ne jamais reculer devant le bégaiement, chaque évitement est une perte de temps.
4 - Ne pas attendre d’être bon pour se lancer mais se lancer pour être bon.
5 - Ne pas se décourager et persévérer. Il n’y a pas d’échecs mais des expériences qui sont autant de marches vers le succès !

J'avais bien sûr un peu d'appréhension mais cela s'est super bien passé et on ne peut rêver meilleur public que les québécois. Les échanges ont été émouvants et chaleureux. J'en garderai un très beau souvenir.

Daniel Aubé nous a parlé de son parcours d’avocat. Il nous a d’abord fait sourire en expliquant que, lorsqu’il était jeune, son orthophoniste l’invitait à calquer son rythme de parole sur celui de la tortue. Sauf que, pour Daniel, la tortue était forcément Ninja, donc très rapide... Ils nous a ensuite raconté comment il a apprivoisé progressivement ses “bêtes noires” : le téléphone, le dictaphone, la visioconférence… jusqu’à la plaidoirie. Je n’ai pas la place pour retranscrire ici toute sa conférence mais un article la reprendra bientôt sur le blog. Voici juste sa conclusion :

  • Le bégaiement est inévitable, il faut donc apprendre à vivre avec lui.
  • Il ne faut pas le combattre ou en avoir peur mais l’apprivoiser et apprivoiser les situations anxiogènes. C’est en forgeant qu’on devient forgeron.
  • Les gens sont plus intéressés par ce que je dis que par comment je le dis. Je m'applique donc à contrôler ce qui est contrôlable : le contenu. L'une des clefs de la réussite de Daniel a été sa très grande préparation de toutes ses prises de parole.
  • Nous avons des alliés partout, personne ne veut nous voir échouer.
  • Je suis tellement plus que mon bégaiement !
  • Qu’importe la carrière, il faut parler...
  • En fait, j’adore parler !

L’après-midi était organisé sous forme d’atelier sur le thème “les aspects positifs du bégaiement”. Au départ, cela peut paraître insensé voire provoquant. Pourtant des réponses ont été données : l’empathie et la tolérance vis à vis des difficultés des autres (un pompier volontaire expliquait qu’on lui confiait souvent les urgences pour détresses psychologiques), le travail sur le contenu (vocabulaire, syntaxe, concision)... Les conjoints et thérapeutes présents ont aussi été interrogés. Une orthophoniste a constaté que les personnes qui bégaient étaient plus aptes que d’autres patients à prendre des risques et à se lâcher car elles sont habituées à devoir sortir quotidiennement de leur zone de confort. Cette remarque surprenante a été confirmée par la conjointe d’une personne qui bégaie.

Pour finir, une chercheuse de l’Université Mc Gill s'est déclarée admirative de l’esprit communautaire des personnes qui bégaient. Elle a tout à fait raison et nous n’avons pas assez conscience de la chance que nous avons ! Grâce aux associations et aux réseaux sociaux, nous pouvons nouer des amitiés et être accueillis dans le monde entier. Sans le bégaiement, j’aurai peut-être vu le Québec mais je n’aurais pas réellement vécu et échangé avec ses habitants. C’est une expérience complètement différente et une réelle chance. Notre bégaiement nous rapproche et le contact est facile et immédiat. Et les québécois sont vraiment adorables ! Ils sont décontractés, drôles, bienveillants : c’est un vrai bonheur de les rencontrer.

Au final, je constate une fois de plus que ces journées de rencontre "physique" sont irremplaçables. J'ai vu des participants repartir gonflés à bloc, résolus à avancer et à faire voler en éclat leur peur de bégayer. ll était d'ailleurs impressionnant de voir comme l'intensité du bégaiement diminuait entre le début et la fin de journée, au fur et à mesure que la confiance s'installait et que l'énergie se répandait. La séance de "prise de micro" a été particulièrement parlante, c'est le cas de le dire. Chacun était invité à exprimer son ressenti sur la journée. Au début, un grand  silence s'est installé car personne n'osait faire le premier pas. Une jeune femme s'est alors levée, a empoigné le micro et dit : "moi, je viens parce que je veux m'entraîner à la prise de parole en public !" Elle a été chaleureusement applaudie et de nombreux autres volontaires lui ont succédé.

Il y a en ce moment de nombreux événements organisés en France par l'Association Parole Bégaiement, à l'occasion de la Journée Mondiale du Bégaiement !  Alors, suivez mon conseil : allez-y et emparez-vous du micro !

Vous l'avez compris : j'ai adoré cette nouvelle expérience et j'adresse un grand merci au CA de l'ABC pour leur invitation :
- Jean-François Leblanc, président
- Geneviève Lamoureux, vice-présidente (sans oublier Daniel Aubé :-))
- Lidia da Silva, vice-présidente et artiste es cupcakes !
- Audrey Bigras, qui tient l'excellent blog "advertising stories"
- Arnaud Sébire, trésorier et cameraman, merci pour les DVD !


Et une dédicace spéciale pour mon complice Richard Parent, que j'ai eu le grand bonheur de rencontrer "en vrai". Nous voici tous les deux avec la première édition (un collector !) du livre que nous avons traduit en 2011 "Conseils pour ceux qui bégaient".

Oui, décidément, ce voyage au pays du bégaiement est une grande et belle aventure.

Laurent

2 commentaires:

  1. Super toutes ces nouvelles thérapies positives qui me semblent super intéressantes.
    Peut-être que Nathan sera tenté de les essayer étant plus grand, mais pour l'instant, le bégaiement a pratiquement disparu.

    La maman de Nathan

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  2. Je suis ravi de ces bonnes nouvelles. C'est super de les partager. Merci la maman de Nathan !

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