19 juil. 2011

Que faire pour bégayer ?

J’ai fait un cauchemar horrible cette nuit : j’avais arrêté de bégayer ! Complètement ! J’ouvrais la bouche et les mots coulaient simplement, sans interruption. Je n’avais aucune appréhension, je ne me posais pas de questions. Et je parlais, je parlais, je n’arrêtais pas de parler. Je me suis dit : Mon Dieu ! Comment vais-je l'annoncer à mes proches ? Et que va devenir le blog ? Et la page Facebook ? Je vais plus du tout être crédible, moi ! Non, non, ça ne va pas du tout, là ! Il faut absolument que je recommence à bégayer ! Alors j’essayais mais c’était pitoyable, c’était super mal fait, ça le faisait pas du tout ! Un vrai nul du bégaiement ! N’importe quel vrai bègue m’aurait démasqué en moins de 2 minutes ! Dans mon rêve, je suis allé voir ma femme et je lui ai expliqué.

- Voyons, voyons, a-t-elle essayé de me rassurer. C’est impossible ! Vas-y raconte-moi une blague.

Je me suis exécuté comme un petit chien savant et je suis arrivé jusqu’à la chute que j’ai sortie sans la moindre hésitation. Mais cela ne nous a pas fait du tout rigoler, loin de là !

- Ah oui quand même... C’est grave, s’est inquiétée mon épouse. Prends le téléphone pour voir.

J’ai décroché et appelé pour commander des Pizzas à emporter...

 J’ai essayé toute la carte : Regina, Calzone, Pescatore, Mozarella, 3 fromages… Aucun blocage, quels que soient le nom choisi et la lettre initiale. J’ai demandé des suppléments d’anchois, de crème, de tout ce qui me passait par la tête… Après avoir donné mon nom et mon adresse avec une facilité déconcertante, j'ai finalement raccroché et me suis tourné vers ma femme.

- Alors ? ai-je demandé.
- Rien…. Pas la moindre hésitation, prolongation ou répétition !
- C'est terrible, qu'est-ce qu'on va faire ?
- Inviter des copains qui adorent la pizza ?

Je me suis réveillé à ce moment-là. J’étais en sueur, à la fois soulagé et effaré. Et si ça arrivait vraiment ? Si je perdais tout à coup le don du bégaiement ? Je me suis donc dit qu’il fallait absolument que je note comment faire pour me soigner si un jour j’arrêtais de bégayer. Je suis monté en douce dans le bureau, j’ai allumé l’ordinateur et j’ai commencé à écrire.

Et j'ai fait alors une découverte extraordinaire : j'ai trouvé et compris comment je bégayais ! Comment je plaçais ma langue, la localisation des tensions dans mon corps, les pensées qui me traversaient l'esprit... J'ai tout compris. Comme si j'avais démonté un moteur pour en aligner les pièces devant moi. C'était fascinant. Tout semblait si simple et finalement si inoffensif. Je me suis amusé avec le « A » d'Alexandre qui me pose souvent tant de souci. J'ai détecté la contraction de l'abdomen, le forçage au niveau du larynx, l'arrêt de l'expiration...

Dans le livre « Conseils pour ceux qui bégaient », tous les auteurs soulignent combien cette étape est importante pour savoir comment modifier ensuite sa manière de parler (ou de bégayer). Si vous ne savez pas comment procéder, j'ai trouvé cet exercice amusant (qui pourra aussi intéresser les orthophonistes) donné par René, un thérapeute néerlandais.

Imaginez que vous devez apprendre à bégayer à des personnes qui ont toujours été fluides. Elles n'ont bien sûr pas la moindre idée de ce qu'il faut faire pour bégayer. Vous êtes un bègue professionnel et vous devez utiliser votre expertise pour apprendre à ces amateurs à bégayer de manière réaliste. Vous devez vraiment fournir un mode d'emploi détaillé et opérationnel. Qu'allez-vous leur dire ? Essayez, c'est amusant et surtout très instructif : vous devriez apprendre pas mal de choses sur votre bégaiement, sur la manière dont vous le produisez et finalement sur ce qu'il vous faut changer. Ne vous limitez pas aux manifestations physiques, décrivez aussi ce que vous pensez et ressentez avant, pendant et après vos prises de parole.

Pour ma part, juste après avoir terminé mon exercice, je suis retourné me coucher, soulagé et confiant. Je me suis endormi comme un bébé et c'est la sonnerie de la porte d’entrée qui m’a réveillé. Mon épouse était déjà levée et elle est revenue quelques secondes après, la mine défaite :

- Il y a une camionnette de chez Domino à la porte. C’est toi qui as commandé 18 pizzas ?

9 commentaires:

  1. Je vois que vous êtes de gros mangeurs de pizza dans la famille Laurent! ;-)
    Tu me raconteras comment ça se passe à Nîmes, si tu as commencé.

    Sylvain

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  2. Très drôle ce post, j'ai bien ri et compati face à cet affreux cauchemar, perdre la pièce maîtresse de sa personnalité quelle épreuve !
    Quant aux pizzas, tant d'années de famine à combler, elles ont dû passer comme des crèpes dentelles
    Scrontch scrontch (pâte un peu dure)
    Pour finalement nous faire un super teaser pour le livre cité, bien envie de le lire
    sopsch

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  3. Génial cet article !
    Il m'est moi aussi arrivé de rêver que je ne bégayais plus, mais cela ne m'a pas fait le même effet que toi : quand je me réveillais, je me disais que si mon inconscient était capable de me représenter en train de parler fluidement, alors c'est que j'en étais capable et que cela arriverait. d'ailleurs j'en parle dans ma dernière vidéo

    Mais je te rejoins sur un point : je serai terrifié à l'idée de perdre mon bégaiement. Ce serait comme perdre un élément de ma personne/personnalité... Dur !

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  4. @Sylvain : je t'appelle bientôt, promis !
    @Sopsch : merci pour le comm !
    @Bérenger : il ne faut pas croire tout ce que je raconte :-)

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  5. Oui, génial cet article !

    Le début m'a fait penser à une chose : cela peut paraître bizarre, mais j'ai déjà reçu un mail de quelqu'un me disant qu'il avait compris comment parler de manière fluide, mais qu'il était paralysé à l'idée des réactions de ses proches (et de la pression qui va avec). Rêve ou cauchemar...

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  6. J'adore!!! C'est rigolo, parce qu'avec un de mes patients ados, on pensait très sérieusement faire une saynète pour la JMB, à Nice, en octobre (dont le thème est bgmt et humour), sur l'idée d'un cours de bgmt... Et pour joindre l'utile à l'agréable il a fallu que, lors des séances, il décortique son propre bgmt pour pouvoir imaginer l'enseigner, comme une matière principale, à d'autres...gros travail sur soi, qui demande une analyse fine et pertinente !! A tenter!! En attendant, on va bien se marrer en octobre!! ;)

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  7. l'article est vraiment drôle mais au delà de ça c'etais pas un cauchemard! Plutôt un joli rêve! Franchement s'il vous arrivait de ne plus begayer vs vs sentiriez mal? En tout cas pas moi! C'est ma prière jour et nuit.

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  8. Je me reconnais dans cet article, moi aussi il m'arrive d'avoir peur de perdre mon bégaiement, d'une part pour mes amis et mes proches qui m'identifient comme ça et pour moi parce que j'aurais vraiment l'impression de perdre une partie de moi.

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  9. Merci Charlotte. De mon côté, je ne pense pas que cela me manquerait. Ces dernières années, j'ai l'impression d'avoir avancé sans lui, en y attachant de moins en moins d'importance. Ca reste un élément important de ma personnalité mais en même temps j'ai envie de passer à autre chose et de le laisser définitivement derrière moi.

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