A 13 ans, j’ai fait un séjour de deux semaines à l'hôpital Hérold, dans le 15ème arrondissement de Paris. On me donnait des calmants et des médecins à la mine grave, suivis par une cour silencieuse de blouses blanches, observaient mes réactions et l'évolution de mon bégaiement.
Et puis un jour, tout a dérapé. Ils ont dû se gourer dans les doses ou bien deux médicaments ne se sont pas entendus, je ne sais plus... Lorsque ma grand mère est venue me voir, j'étais en plein délire et je ne reconnaissais plus personne. Ils m'emmenèrent alors passer un électro-encéphalogramme et entreprirent de m'arracher mes cicatrices. C'est du moins ce que je racontai ensuite à ma mère. En fait, ils m'avaient simplement enlevé les pansements qui maintenaient les électrodes, d'où cette impression de tiraillement sur la peau...
Je suis sorti de l'hôpital mais j'ai continué à prendre des médicaments. J'étais assommé la moitié de la journée et j'avais autant d'énergie qu'un paresseux sur son arbre. Je parlais d'une voix pâteuse et je n'avais même plus la force de bégayer. La réussite était donc évidente et les médecins ont dû longuement se féliciter, charmés d'avoir si bien soigné ce jeune garçon... J’étais devenu un véritable zombie parfaitement apathique. Problème de dosage peut-être… Quoiqu’il en soit, mes parents ont décidé, avec raison, d’arrêter là l’expérience.
Il a donc fallu attendre 25 ans avant que je ne retourne vers la voix médicamenteuse. Je crois aussi que cela me blessait dans mon orgueil d'avoir recours à une béquille chimique. Je voulais m'en sortir seul, sans aide et de manière "naturelle". J’ai donc commencé « cool » en essayant d’abord l’homéopathie, les huiles de Bach, la passiflore… Tout cela n’avait pas mauvais goût et était délicieusement inefficace...
Un jour où je stressais particulièrement avant une présentation importante (amphithéâtre plein, pupitre, micro : l’apocalypse version bègue…), je suis allé voir mon médecin. J’avais lu que les bêta-bloquants étaient très utilisés par les orateurs professionnels (présentateurs, hommes politiques) et par les musiciens classiques (une copine violoniste m’a confirmé que c’était en effet assez courant dans le « milieu » avant le passage d’une audition importante ou avant un concert). Les étudiants commenceraient aussi à y avoir recours pour leurs examens. Une lycéenne témoignait que dans sa salle d’examen, une personne sur 6 en avait pris pour les épreuves du baccalauréat.
J’avais donc décidé de franchir le pas. Je n’étais cependant pas très à l’aise pour exposer ma demande et je ne savais pas comment mon médecin allait réagir. Pour moi, la prise de « calmants » avait un côté un peu sulfureux et tabou. A mon grand soulagement, il n’a pas été surpris par ma demande et a immédiatement compris combien le stress de la prise de parole pouvait être amplifié démesurément par la peur de bégayer. Il m’a donc prescrit un bêta-bloquant. Ce médicament a pour effet de bloquer les manifestations habituelles du trac : emballement cardiaque, tremblements, rougeurs, suées… Il a cependant fait preuve de prudence car j’ai un rythme cardiaque naturellement bas. Il m’a donc demandé de tester d’abord un demi-comprimé et de venir le voir deux heures après pour m’ausculter. Ce test ayant été concluant, j’ai fait un autre test avec un comprimé entier et le puis le jour fatidique est arrivé.
Cela s’est passé merveilleusement bien sans accroc, ni blocage. Debout derrière mon pupitre, j’ai déroulé tranquillement et posément ma présentation. Je me sentais calme avec une légère sensation d’engourdissement. Je n’ai pas eu d’effet secondaire et depuis, je prends ce médicament chaque fois que j’ai une présentation « à enjeu », soit 4 ou 5 fois par an. J’avale mon petit comprimé magique 2 heures avant ma prestation et je me transforme en un type zen et tranquille, qui prend son temps pour parler, qui ne se laisse pas impressionner et qui est relativement décontracté. Deux heures après, les effets ressentis ont disparu.
Attention ! Ce petit comprimé n’explique pas tout ! Dans mon cas, ses effets sont bénéfiques car ils m’aident, dans des circonstances particulièrement stressantes, à appliquer ce que j’ai pu apprendre sur la « gestion » des blocages et la prise de parole en public. Il n’y a pas de miracle.
En outre, il m’a semblé que, la dernière fois, l’effet était moins marqué. Y’aurait-il une accoutumance même si les prises restent exceptionnelles ? Notre spécialiste Olivier aurait peut-être des infos là-dessus. A suivre…
Encore une fois, ce n’est que mon témoignage et je ne suis pas médecin. Les effets secondaires des bétâ-bloquants peuvent être importants et je ne pense pas que cela peut être envisagé comme traitement régulier et durable du bégaiement. Consultez avant d’envisager le recours à la médication.
Spécialiste, c'est vite dit ! Disons passionné, ça m'ira très bien :-)
RépondreSupprimerEn ce moment je prends du xanax pour dormir, eh bé, l'effet est assez différent d'un soir sur l'autre...pourquoi ? Je suis pas médecin non plus, mais je pense que ça doit venir d'une foule de paramètres. Le cerveau et le corps, ce n'est pas juste des robinets qui s'ouvrent et qui se ferment : ce sont des enchaînements, des boucles, des cascades de réactions subtiles, qui en entraînent d'autres, de natures différentes...l'action des médicaments n'est pas une science exacte, mais les chercheurs font au mieux avec ce qu'ils ont.
Bref, là encore, je ne suis pharmacologue, mais je ne crois que pas que tu t'accoutumes en prenant un médoc 4 à 5 fois par an.
P.S. Laurent par pitié fais quelque chose :) pour mettre un commentaire ici c'est le parcours du combattaaaaaaaant...
@Olivier : j'ai déposé un commentaire sur mon blog et sur le tien. Je n'ai pas vu de différence : choix d'un profil + saisie du cryptogramme visuel. Qu'est-ce qui te bloque ?
RépondreSupprimerBen là par exemple, ça fait deux fois que je le tape ce commentaire...faut que je fasse un ctrl c pour pouvoir le recoller, parce que ça ne le prends jamais la première fois, même quand tout est bon...Si on fait anonyme, ça doit passer, pt'être...j'essaye
RépondreSupprimerOlivier
Mais avec une identité c'est plus galère....y a que moi qui ai des problèmes avec ou quoi ? :-)
RépondreSupprimercomment les médecins peuvent se "servir" d'un enfant pour tester des médicaments?? Je suis horrifiée!!
RépondreSupprimerje prends des bêta-bloquant (mon pauvre coeur) et je me pose la question à savoir si en prendre de manière isoler ce médicament peut faire leur effet??
Si moi je sais mettre un commentaire sur votre blog c'est que cela est possible car en informatique je suis une vrai nounouille.
Bonjour Emma,
RépondreSupprimerIl y a peut-être plusieurs sortes de bêta-bloquants. Celui prescrit par mon médecin a un effet limité dans la durée (quelques heures) et cela est suffisant pour moi pour faire face à une prise de parole stressante elle-aussi limitée dans le temps.
Pour les commentaires, il semble que Blogger ait en effet quelques problèmes par moment. Par sécurité, copiez le texte de votre commentaire (sélection et CTRL + C) avant d'appuyer sur le bouton "publier"... Ca vous évitera de tout resaisir en cas de souci.
Laurent
slt moi c'est toure de la cote d'ivoire quans je suis seul je parle correctement environs 9/10 mais quand je suis en presence d'une personne ouf c'est la galère les jè.jè jè jè st nombreux je bloque sur tous aidez moi que faire ce mal est une entrave a ma carriere proffesionnelle aidez moi.......................................j'en souffre terriblement mon mail est bagwelledinero@hotmail.fr
RépondreSupprimer@toure : bienvenue sur le blog. Je reprends en partie la réponse que je viens de faire à ndiaye. En surfant ici, tu trouveras sans doute un certain nombre de conseils et de témoignages qui te seront utiles (voir la liste des articles à droite). Dans la section téléchargement, tu trouveras aussi des livres qui pourront t’aider. Je te conseille « auto-thérapie pour les personnes qui bégaient » de Malcolm Fraser et « redéfinir le bégaiement » de John Harrison. Tu peux les télécharger gratuitement : de quoi t’occuper pour l’été ! Je te conseille aussi d'aller faire un tour sur le forum "paroles de bègues" et sur le "portail africain du bégaiement". Alors, garde le moral : il existe des solutions ! Tiens moi au courant.
RépondreSupprimerBonjour Laurent
RépondreSupprimerpour une rencontre de self help (groupe d'entr'aide de personnes qui bégaient) sur St Étienne je viens de visiter ton apport témoignage.
Le thème choisi avec l'angoisse de la rentrée est "la prise de parole en public". Tout un programme...!
j'ai pu percevoir lors d'anesthésie ou de simples rhumes l'influence des médicaments sur mon bégaiement.
Pour moi en tout cas combiné au changement d'environnement (retrait ou impératifs revus à la baisse du fait des circonstances) ils provoquaient un bien être intérieur qui libérait ma parole. J ai trouvé important de sentir gouter le plaisir de parler sans être dérangé par les mots ou syllabes qui s'entrechoquent.
Bien sur je ne pense pas que ce soit une solution pour guérir du bégaiement mais cela me laisse entrevoir l'importance du lâcher prise et de rechercher dans mon corps une détente et aussi dans mon regard.
Affronter mes peurs (supposées, fausses ou réelles) c'est déjà sortir d'un déni qui renforce ma difficulté à communiquer en premier avec moi même.
Attention nullement pour moi un passage en force (effet contraire à un échange spontanée et épuisant sur la durée). Toute personne bèque ou "fluide" ressent la difficulté de prendre la parole en public.
Les expériences ouvrent des portes par rapport au ressenti et à l'envie de se retrouver en phase, de renouveler l'expérience et de comprendre les mécanismes.
l'aspect détente relaxation est un chemin important et je peux le mettre en place. Donc en ne subissant pas je n'autorise plus d'emblée le bégaiement à prendre possession de mon corps et de ma pensée, et à tout rigidifier. je peux oser être ce que je que je suis ; c'est à dire cet être imparfait et le besoin des autres pour me construire et vice versa. Donc la peur des objections des imprévus ,des blocages du jugement est moins forte.
Semi conscience ? non simplement possibilité d'être sur un chemin pour libérer ma parole entravée. Des prises de paroles mutilantes éprouvante (que je préparais des heures et des heures) j'ai pu presque passer à me faire confiance et laisser vivre un auditoire et donc les effectuer avec peu de notes, seulement des mots clés. Grande victoire et acceptation
Merci beaucoup Yves pour ton témoignage et félicitations pour ta grande victoire. Lâcher prise, accepter de se montrer tel qu'on est, se délivrer de la pression de la performance... Je te rejoins complètement. C'est vrai que les médicaments peuvent aider à atteindre cet état, à le découvrir mais c'est encore plus jouissif quand on y arrive seul. Encore bravo et merci !
RépondreSupprimerLe post est vieux mais deux trois éléments de réponse pour les prochains internautes :
RépondreSupprimer- pas d'accoutumance / tolérance pour les béta bloquants, ils ne sont donc pas de moins en moins efficaces
(contrairement par exemple aux anxiolytiques comme le Xanax, ou aux opiacés comme la codéine, la morphine, l'héroine.. qui poussent à augmenter les doses pour reproduire le même effet)
- pas d'effet sédatif ou amnésiant comme pour un anxiolytique, qui peuvent être facheux lors d'une présentation..
- variabilité de l'effet : l'efficacité du médicament dépend directement de la concentration du médicament au niveau de son site d'action c'est la BIODISPONIBILITÉ, qui dépend de l'absorption du médicament, de sa distribution et de sa métabolisation et il peut y avoir plusieurs facteurs qui agissent à chacun de ses niveaux, notamment l'absorption qui peut varier ou encore la métabolisation de la molécule (si vous avez consommé un inhibiteur ou un inducteur enzymatique sans le savoir...)
Il faut aussi savoir à quel moment la molécule atteint son pic plasmatique, c'est à dire son effet maximal, et prendre la molécule en conséquence : si vous la prenez trop tot, l'effet risque de s'estomper avant la présentation, et trop tard, l'effet n'aura pas le temps d'apparaître :)
- pour madame qui prend déjà des BB- au long cours, il ne faut pas en associe un autre le jour de la présentation ! A la rigueur, une augmentation transitoire de la posologie le jour J est à discuter avec le médecin qui vous prescrit ce traitement (sauf si bien sûr vous êtes déjà à la posologie maximale !)
Sources : bientôt médecin (encore 2 ans :p) et master en pharmacologie cardio vasculaire :)
Merci beaucoup, externe, pour ces précieuses précisions et bonne continuation dans tes études. Mon petit doigt me dit que ça devrait bien se passer : on sent la vocation !
RépondreSupprimerbonjour,
RépondreSupprimerpuis-je avoir le nom exact du comprimes utilises? merci a tous
Bonjour Sana,
RépondreSupprimerJe ne peux pas donner le nom de ce médicament, je ne suis pas médecin. Si tu penses que cela peut t'aider, tu dois consulter ton médecin, qui te prescrira le médicament qui lui semble convenir.
Laurent