J’ai toujours une appréhension lorsque je reçois un livre sur le bégaiement écrit par une personne que je connais. Que dire si je le trouve sans intérêt ? Ou pas terrible ? Heureusement, rien de tel avec le livre d’Agathe Tupula Kabola. Il est très bien et je peux en parler librement ! Ouf !
Agathe est une orthophoniste québécoise que j’ai eu la chance de rencontrer lors de la journée annuelle de l’Association des Bègues du Canada en 2016. C’est une passionnée du bégaiement qui n’a de cesse d’enrichir et de partager ses connaissances. Elle est chargée de cours à l’Université de Montréal, présente des chroniques à la radio et à la télévision, participe à des conférences et vient donc de publier un livre « Je bégaie… Laissez-moi parler ! ». Elle y aborde les questions importantes (les causes, quand et qui consulter, comment aider, quelles sont les thérapies…) et donne des réponses accessibles et détaillées.
L’originalité de l’ouvrage réside dans l’illustration de ses propos par des études de cas et des exemples concrets. Agathe propose par exemple d’essayer de répondre à la question, « est-ce que cet enfant devrait être pris en charge en orthophonie ? », en soumettant le cas de Malik, 5 ans et 10 mois, qui bégaie depuis environ un an et demi. Son bégaiement oscille présentement entre léger et modéré. Depuis quatre mois, ses parents ont noté une légère augmentation des disfluidités, avec plus de blocages et de répétitions de parties de mots. Voilà trois mois qu’il a commencé la maternelle. Son grand-père bégayait. Alors que conseillerez-vous ?
Dans le chapitre sur l’intimidation, elle partage la stratégie utilisée par Akim pour répondre aux moqueries d‘un de ses camarades qui l’avait interpellé dans le couloir en disant : « Hey Ak-Ak-Ak-Akim ! ». Akim a répliqué en employant une réponse trouvée lors d’une mise en situation avec son orthophoniste : M-moi je bégaie, et toi, tu es bon dans quoi ? Tu manques de p-pratique, reviens me voir quand tu sauras bégayer mieux que moi ! » Le jeune qui l’avait apostrophé n’a rien répondu et a continué son chemin, alors que les témoins de la scène riaient, non d’Akim, mais plutôt de lui !
Agathe présente aussi de manière détaillée un atelier éducatif réalisé avec succès dans la classe d’un élève victime de harcèlement. Elle explique comment elle a brisé la glace en lisant une histoire « Mon nom, c’est c’est Olivier », de Brigitte Marleau, enchaîné ensuite avec des explications sur le bégaiement avant de terminer par un quizz auquel les enfants ont participé avec enthousiasme et démontré qu’ils avaient intégré l’essentiel de ce qu’Agathe voulait transmettre. Bref, une solution clef en main pour parents, orthophonistes et enseignants !
Côté thérapies, on retrouve bien sûr dans son ouvrage les programmes les plus connus comme le Lidcombe, Camperdown ou la thérapie cognitive et comportementale mais j’ai aussi découvert d’autres programmes comme le Palin Parent-Child Interaction, pour les parents d’enfants de moins de 7 ans, ou la Solution-Focused Brief Therapy (SFBT) qui permet au patient de cibler un objectif en lien avec sa parole, d’identifier les ressources et les forces dont il dispose et de mettre l’accent sur ce qui fonctionne déjà en le faisant davantage pour augmenter les chances de réussite. Chouette programme !
Très intéressant aussi, car rarement abordé, le chapitre « A quoi s’attendre lors de la première visite chez l’orthophoniste ? » De même, le conseil donné aux enseignants de s’entendre avec leur élève qui bégaie sur son ordre de passage pour une présentation orale. Très pertinent car les personnes qui bégaient connaissent trop bien l’angoisse d’attendre leur tour !
Ce livre québécois est également l’occasion de découvrir d’autres références culturelles, comme cette citation de Stéphane Laporte, chroniqueur québécois qui a écrit un joli article sur le bégaiement de son père. En voici la conclusion :
J’aimerais dire à tous les petits culs qui bégaient de ne pas s’enfermer dans le silence. Bien sûr, il y aura toujours des cons pour rire de vous. Mais c’est pas grave. Eux n’expriment que leur bêtise. Vous, vous avez de belles choses à dire. Et ce n’est pas parce qu’elles prennent plus de temps à être transmises que vous devez les taire. Aristote, Isaac Newton, Jean-Jacques Rousseau, Winston Churchill, Albert Einstein bégayaient, et ils ont tous été entendus. Pour le bien de tous. Alors, parlez-nous. Pour le bien de vous. Pour le bien de nous.
En résumé, un nouveau livre testé et approuvé "Goodbye Bégaiement !" Si vous souhaitez le découvrir, voici les références :
Je bégaie… Laissez-moi parler ! Bien vivre avec le bégaiement.
Agathe Tupula Kabola
Editions du CHU Sainte-Justine
Je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année !
Laurent
Agathe fait vraiment du bon boulot de sensibilisation et d'information en étant très présente sur les divers médias. Bravo pour cette belle "critique" littéraire.
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