Patricia a vécu durant 35 ans avec son bégaiement en dépensant une énergie folle pour le masquer à ses proches. “J’étais vraiment fatiguée de vivre sous pression à chaque instant, de ne pas pouvoir employer les mots que je voulais, ne pas vivre normalement aussi bien à l'extérieur que chez moi. Je pense que je me sentais prisonnière du système que j'avais créé pour m'exprimer. Je pense que le fait déclencheur de ma démarche a été lorsque je me suis rendue compte que certaines personnes au travail avaient entendu que je bégayais parfois. A partir de là, je me suis dit que je ne le masquais pas si bien que ça, que tous ces efforts depuis 35 ans n'étaient pas récompensés....et au lieu de le masquer, il fallait que j'arrive à ne plus bégayer. J’ai donc entrepris de voir une orthophoniste. »
Ce déclic a eu lieu voici un an. Après les séances d’orthophonie, Patricia a décidé ensuite de suivre un stage d'une semaine animé par des orthophonistes spécialisées dans le bégaiement.
Lors de notre réunion à Marseille, elle nous a expliqué comment, jusqu’au bout, elle avait essayé de masquer son bégaiement : « Durant le tour de table, je me suis retrouvée prise dans ma panique habituelle, essayant de tout faire pour qu'on ne voit pas que je bégayais alors que tout le monde le savait puisque nous étions dans un stage pour surmonter notre bégaiement ! »
Et 3 jours plus tard, elle s’est rerouvée dans la rue, arrêtant les passants pour leur demander de répondre à une enquête sur le bégaiement ! « Je n'en avais jamais parlé à personne et je me retrouvais tout à coup en train d’expliquer à un parfait inconnu que je bégayais ! Quand j'ai terminé mon premier questionnaire, j'avais envie de crier et de sauter dans tous les sens tellement j’étais heureuse ! »
Son enthousiasme et son bonheur faisaient vraiment plaisir à voir et je lui ai demandé l’autorisation de publier un extrait de son témoignage parce qu’il répondait pour moi parfaitement aux deux objectifs de la journée mondiale du bégaiement :
- sensibiliser le grand public sur la souffrance que peut engendrer le bégaiement,
- donner de l’espoir aux personnes qui bégaient en montrant qu’il existe des solutions.
Voici donc le témoignage de Patricia :
Comment je voyais mon bégaiement avant et après la fin du stage
Par Patricia G.
Enfin je sais qui tu es !
Depuis 35 ans, tous les jours de ma vie, tu me hantes. Je suis obligée de vivre avec toi. Je ne t'ai pas choisi. Tu t'appelles le « bégaiement ».
J'ai toujours voulu te cacher, te masquer à ma famille, mes amis, mes collègues de travail, aux personnes que je fréquente. Tu ne peux pas t'imaginer les efforts que ça me demandait tous les jours. Tu m'as énormément fatiguée, épuisée. Tu as géré ma vie. J'ai choisi mon métier en fonction de toi. Mais maintenant, j'ai décidé de vivre avec toi autrement, différemment car je n'arrive pas à te maîtriser entièrement et tu me fais énormément souffrir.
J'ai commencé à parler de ton existence aux personnes qui m'entourent. Presque toutes m'ont dit que tu n'existais pas (Note Goodbye Bégaiement : il arive souvent que l’entourage proche ne détecte pas ou très peu le bégaiement lorsque celui-ci est masqué par des évitements, des renoncements ou des substitutions de mots. Cela demande beaucoup d’efforts à la personne qui bégaie).
Durant un stage organisé par des orthophonistes super compétentes en Normandie, j'ai eu une libération. J'ai découvert que je pouvais parler de toi sans avoir honte, ne pas avoir que des pensées négatives à ton sujet.
Je sais que j'ai encore du chemin à faire et je sais que tu seras toujours à mes côtés. Mais maintenant, je suis moins dans la démarche de la parole parfaite car j'assume que je bégaye. A présent, je veux être la seule à décider comment sera ma parole à l'avenir et pouvoir me libérer de ton emprise.
Encore merci à toutes les personnes (ma famille, toutes les orthophonistes avec qui j'ai travaillé et celles qui me suivent, aux personnes qui m'encouragent, qui positivent sur mon évolution et bien entendu à tous les stagiaires de Normandie) qui m'aident à atteindre ce but.
Patricia.
Et la libération de Patricia a déjà eu un bénéfice collatéral. Rappelez-vous du témoignage de Pam : quand vous parlez de votre bégaiement, vous aidez forcément quelqu’un. C’est ce qui est arrivé : au fil d'une conversation, elle a découvert que le fils d’une des ses relations de travail bégayait. Elle l'a contacté et est venue avec lui à Marseille pour la Journée Mondiale du Bégaiement. Depuis, le jeune homme a décidé de consulter l’orthophoniste de Patricia. « Je suis ravie », m’a-t-elle confié, « car il n’est plus seul, ce qu’il faut absolument éviter. »
Encore merci Patricia pour ton témoignage. Il est utile et nous en avons besoin. J’ai lancé justement ce blog pour montrer qu’il existait des solutions et des personnes qui parvenaient à se libérer du bégaiement. Jusqu’à présent, je devais traduire les témoignages d'américains ou de britanniques qui racontaient comment ils s'en étaient sortis. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a plus besoin d’aller bien loin pour trouver des personnes qui partagent leur expérience et leurs réussites. A Marseille, en plus de Patricia, il y avait aussi Bérenger (jebegaie.com), Cédric (le Cédriblog) ou Bertrand, preuves vivantes et enthousiasmantes qu'on peut avancer à pas de géants sur le chemin de la fluidité et de la liberté d’expression.
Bises à tous.
Laurent
Excellent ! Je l'attendais avec impatience cet article consacré à Patricia, mais comme on dit plus on attend meilleur c'est !
RépondreSupprimerPour avoir connu et côtoyé Patricia avant son stage, et l'avoir revue pour la première fois à cette Journée Mondiale du Bégaiement de Marseille, je confirme l'évolution EPOUSTOUFLANTE et des plus ENCOURAGEANTES dont elle a fait preuve !
Un grand merci à toi Laurent ! Dans le genre t'es pas mal non plus... ;)
Juste un petit oubli, Patricia avait aussi parlé dans sa lettre avoir choisi le prénom de ses enfants en fonction du bégaiement...suffisamment important pour l'ajouter!
RépondreSupprimerJe sors moi aussi la collection d'adjectifs pour Patricia...rayonnante, étincelante à cette JMB!
Il y a un an quand je l'ai rencontrée, je me doutais qu'elle avait du potentiel, mais la voir si épanouie si rapidement...m'a scotché comme tout le monde!Et en plus elle motive déjà les troupes version positivisme +++, entrainant dans son sillage son entourage plus ou moins proche!
Faites attention...je crois qu'elle est contagieuse!
Et une dernière citation de la star "faire et recevoir au moins un compliment par jour!"...
Merci Ana et Cédric pour ces précisions. Vous faites partie des personnes ayant eu la chance d'assister à cette transformation et votre témoignage est important. Et effectivement, Patricia est très contagieuse : je souhaite à beaucoup de personnes, qu'elles bégaient ou non, de la rencontrer !
RépondreSupprimerJe suis stupéfaite par cette stratégie d'évitement, je comprends que l'on puisse vouloir cacher que l'on bégaie, mais cela doit être épuisant en effet. Et on se retrouve à se mentir à soi-même! L'entourage ne se rend vraiment compte de rien ??? En tout cas, si Patricia se sent mieux maintenant qu'elle a fait son "coming-out du bégaiement", c'est chouette !!!
RépondreSupprimer@Alexa : ça peut être en effet difficile à comprendre pour quelqu'un qui ne bégaie. Pourtant certaines personnes sont prêtes à aller très loin. Je me souviens avoir lu le témoignage d'un bègue qui expliquait s'être planté un stylo exprès dans la main pour ne pas être interrogé ! Tu trouveras plus d'infos sur le bégaiement "masqué" sur ce lien
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